ÇA FAIT DÉBAT AVEC WATHI

Amilcar Cabral, personnage important de l’histoire de la décolonisation du continent, a été assassiné le 20 janvier 1973 à Conakry en Guinée. Pourquoi le combat politique d’Amilcar Cabral dans la Guinée portugaise de l’époque mérite autant d’être connu ?
Amilcar Cabral n’est pas le plus connu parmi les grandes figures de l’histoire des luttes pour les indépendances africaines. Il est heureux que le 50e anniversaire de sa disparition tragique permette de faire mieux connaître cette histoire qui lie le Cap-Vert et la Guinée-Bissau, les deux pays lusophones d’Afrique de l’Ouest.

Né de parents capverdiens en Guinée-Bissau, Amilcar Cabral a fait des études d’agronomie au Portugal, y a rencontré d’autres jeunes issus des colonies portugaises de l’époque, notamment d’Angola et du Mozambique. De retour en Guinée-Bissau, Cabral participe en 1956 à la création du Parti africain pour l’indépendance de la Guinée et du Cap-Vert (PAIGC) qui déclenchera la lutte armée dans les campagnes de Guinée-Bissau quelques années plus tard. Cabral est alors l’idéologue, le théoricien, le diplomate aussi, qui orchestre une lutte armée ordonnée, pensée, efficace contre l’armée coloniale portugaise.

Amilcar Cabral et ses compères du PAIGC mènent une lutte qui s’accompagne d’une politique d’encadrement des populations des zones rurales contrôlées par le mouvement avec une priorité claire à l’éducation, à la culture et à la production agricole.

Le mouvement crée des écoles, forme des enseignants, organise les populations pour qu’elles produisent ce dont elles ont besoin pour vivre. Les discours et les écrits de Cabral en disent long sur la clarté de sa vision et sur son éthique de la lutte. Je ne résiste pas à la tentation de partager deux citations : « La libération nationale, la lutte contre le colonialisme, la construction de la paix, le progrès et l’indépendance sont des mots vides dévoués de signification s’ils ne peuvent pas se traduire par une véritable amélioration des conditions de vie. »

Et celle-ci aussi, remarquable : « Les colonialistes ont l’habitude de dire que eux, ils nous ont fait rentrer dans l’histoire. Nous démontrerons aujourd’hui que non : ils nous ont fait sortir de l’histoire, de notre propre histoire, pour nous forcer à les suivre dans leur train, à la dernière place, dans le train de leur histoire. » Cet extrait d’un discours à une conférence à Dar es Salam en Tanzanie en 1965 aurait été suffisant pour répondre à un homme politique européen qui est venu il y a quelques années en terre africaine affirmer que l’Afrique n’était pas entrée dans l’histoire.

En quoi la pensée et l’action d’Amilcar Cabral peuvent-elles encore servir aujourd’hui de source d’inspiration ?

D’abord, Cabral nous enseigne que les idées, la pensée, la théorie qui supposent une argumentation logique et rigoureuse, sont inséparables de l’action et que les deux se nourrissent réciproquement. Ensuite, et cela me semble capital, ce que nous dit l’engagement de Cabral et de ses compagnons, c’est que la manière dont on mène une lutte est aussi importante que la justesse de la cause. En fait, la manière dont on mène la lutte est un déterminant majeur de la crédibilité de ceux qui la portent. Pour Cabral, l’amélioration des conditions de vie des populations était indissociable de la lutte de libération. La fin ne justifiait clairement pas à ses yeux tous les moyens.

Dans l’Afrique de l’Ouest d’aujourd’hui, la fin ne justifie pas non plus tous les moyens. La lutte contre le terrorisme et la quête de souveraineté ne justifient pas des exactions contre des catégories de la population civile, la restriction des libertés et la dégradation des conditions de vie des populations.

Plus que jamais, il faut donner une grande place aux enseignements et aux débats sur les épisodes historiques comme la lutte de libération du PAIGC, sur l’élimination physique de la plupart des figures africaines les plus intègres et courageuses des mobilisations anticoloniales. On peut le faire sans céder à la tentation de l’idolâtrie, de la falsification des faits et de leur exploitation pour alimenter le ressentiment, la haine et des passions improductives.
Amilcar Cabral, personnage important de l’histoire de la décolonisation du continent, a été assassiné le 20 janvier 1973 à Conakry en Guinée. Pourquoi le combat politique d’Amilcar Cabral dans la Guinée portugaise de l’époque mérite autant d’être connu ?
Amilcar Cabral n’est pas le plus connu parmi les grandes figures de l’histoire des luttes pour les indépendances africaines. Il est heureux que le 50e anniversaire de sa disparition tragique permette de faire mieux connaître cette histoire qui lie le Cap-Vert et la Guinée-Bissau, les deux pays lusophones d’Afrique de l’Ouest.

Né de parents capverdiens en Guinée-Bissau, Amilcar Cabral a fait des études d’agronomie au Portugal, y a rencontré d’autres jeunes issus des colonies portugaises de l’époque, notamment d’Angola et du Mozambique. De retour en Guinée-Bissau, Cabral participe en 1956 à la création du Parti africain pour l’indépendance de la Guinée et du Cap-Vert (PAIGC) qui déclenchera la lutte armée dans les campagnes de Guinée-Bissau quelques années plus tard. Cabral est alors l’idéologue, le théoricien, le diplomate aussi, qui orchestre une lutte armée ordonnée, pensée, efficace contre l’armée coloniale portugaise.

Amilcar Cabral et ses compères du PAIGC mènent une lutte qui s’accompagne d’une politique d’encadrement des populations des zones rurales contrôlées par le mouvement avec une priorité claire à l’éducation, à la culture et à la production agricole.

Le mouvement crée des écoles, forme des enseignants, organise les populations pour qu’elles produisent ce dont elles ont besoin pour vivre. Les discours et les écrits de Cabral en disent long sur la clarté de sa vision et sur son éthique de la lutte. Je ne résiste pas à la tentation de partager deux citations : « La libération nationale, la lutte contre le colonialisme, la construction de la paix, le progrès et l’indépendance sont des mots vides dévoués de signification s’ils ne peuvent pas se traduire par une véritable amélioration des conditions de vie. »

Et celle-ci aussi, remarquable : « Les colonialistes ont l’habitude de dire que eux, ils nous ont fait rentrer dans l’histoire. Nous démontrerons aujourd’hui que non : ils nous ont fait sortir de l’histoire, de notre propre histoire, pour nous forcer à les suivre dans leur train, à la dernière place, dans le train de leur histoire. » Cet extrait d’un discours à une conférence à Dar es Salam en Tanzanie en 1965 aurait été suffisant pour répondre à un homme politique européen qui est venu il y a quelques années en terre africaine affirmer que l’Afrique n’était pas entrée dans l’histoire.

En quoi la pensée et l’action d’Amilcar Cabral peuvent-elles encore servir aujourd’hui de source d’inspiration ?

D’abord, Cabral nous enseigne que les idées, la pensée, la théorie qui supposent une argumentation logique et rigoureuse, sont inséparables de l’action et que les deux se nourrissent réciproquement. Ensuite, et cela me semble capital, ce que nous dit l’engagement de Cabral et de ses compagnons, c’est que la manière dont on mène une lutte est aussi importante que la justesse de la cause. En fait, la manière dont on mène la lutte est un déterminant majeur de la crédibilité de ceux qui la portent. Pour Cabral, l’amélioration des conditions de vie des populations était indissociable de la lutte de libération. La fin ne justifiait clairement pas à ses yeux tous les moyens.

Dans l’Afrique de l’Ouest d’aujourd’hui, la fin ne justifie pas non plus tous les moyens. La lutte contre le terrorisme et la quête de souveraineté ne justifient pas des exactions contre des catégories de la population civile, la restriction des libertés et la dégradation des conditions de vie des populations.

Plus que jamais, il faut donner une grande place aux enseignements et aux débats sur les épisodes historiques comme la lutte de libération du PAIGC, sur l’élimination physique de la plupart des figures africaines les plus intègres et courageuses des mobilisations anticoloniales. On peut le faire sans céder à la tentation de l’idolâtrie, de la falsification des faits et de leur exploitation pour alimenter le ressentiment, la haine et des passions improductives.

Source: RFI

https://www.rfi.fr/fr/podcasts/%C3%A7a-fait-d%C3%A9bat-avec-wathi/20230204-amilcar-cabral-et-l-%C3%A9thique-de-la-lutte-le%C3%A7ons-pour-l-afrique-de-l-ouest-d-aujourd-hui

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