Mettre fin à la «kleptocratie minière» en RDC est une nécessité absolue pour toute l’Afrique

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ÇA FAIT DÉBAT AVEC WATHI

Les élections générales ont eu lieu ce 20 décembre en République démocratique du Congo avec une extension du vote le lendemain dans plusieurs localités en raison de nombreux retards et dysfonctionnements.

Il y a peu de doute sur le fait que les résultats de l’élection présidentielle en particulier seront contestés, que la légitimité du président qui sera élu ou réélu le sera également, que les batailles politiques se poursuivront avec peu de limites dans la nature des moyens utilisés, que des compromis plus ou moins secrets seront trouvés entre certains grands acteurs de la classe politique pour partager le pouvoir et les rentes à l’échelle nationale ou provinciale. Les citoyens congolais n’ont pas vu d’amélioration significative dans la qualité de l’organisation électorale.

Même à Kinshasa, là où on ne peut invoquer l’inexistence de routes praticables pour expliquer les défaillances, il y a eu des retards de plusieurs heures, décourageant les électeurs et un sentiment de désordre. Cela rappelle la grande désillusion des millions de citoyens d’un autre grand pays du continent, leNigeria, après les élections de février de cette année.

La RDC, comme le Nigeria, fournissent une illustration du lien entre corruption systémique et incapacité à bien faire. Wathi a organisé le 13 décembre dernier une conversation sur la corruption au cours duquel vous avez rappelé que l’effet de la corruption va bien au-delà du détournement de ressources.  

Oui, la corruption dans le sens le plus général d’abus de fonctions publiques à des fins privées tue la compétence et le travail bien fait. Lorsque des millions de dollars, des milliards de dollars sur plusieurs années disparaissent, en ce qui concerne des pays comme la RDC ou le Nigeria, ce sont bien sûr des ressources qui auraient pu et qui auraient dû contribuer à transformer les infrastructures routières, ferroviaires, énergétiques, éducatives ou sanitaires du pays.

Mais ce que j’ai rappelé lors de cette conversation sur la corruption, c’est que la recherche de l’enrichissement par tous les moyens par les acteurs investis d’une charge publique est une activité qui mobilise du temps, de l’énergie, de l’intelligence, de l’expertise. Cela veut dire qu’une grande partie de ceux qui doivent construire et renforcer un État consacrent l’essentiel de leur temps à s’occuper de leurs propres affaires. Il faut ajouter à cela l’effet de la corruption sur les incitations dans toute la société. Pourquoi vouloir être performant dans un contexte où chacun pense que la priorité est de trouver les moyens les plus astucieux pour profiter au maximum de sa fonction publique ? Les contextes de corruption systémique sanctionnent l’intégrité, l’ardeur au travail et le souci du bien commun.

Renoncer aux efforts de réduction de la corruption en RDC aurait des conséquences graves sur l’ensemble du continent, dites-vous

Oui, parce que la RDC, avec sa population estimée aujourd’hui à 102 millions d’habitants, fait partie des quatre pays dont les perspectives sécuritaires, politiques et économiques seront déterminantes pour l’ensemble du continent. La RDC aura normalement plus de 100 millions d’habitants d’ici 2050. Et la RDC est aussi le coffre-fort du continent avec une richesse exceptionnelle en matières premières qui en fait un objet de convoitise depuis deux siècles.

On pourrait ne parler que du cobalt, dont la RDC détient plus de la moitié des réserves mondiales, pratiquement le triple de l’Australie. Il produit actuellement 70% du volume mondial. Le cobalt est un composant des superalliages utilisés dans les turbines à gaz, les réacteurs nucléaires, les systèmes de guidage de missiles. Et il est surtout indispensable pour les batteries utilisées dans les voitures électriques et plus généralement pour la transition énergétique.

Personne ne laissera donc ce pays tranquille, pas plus demain qu’aujourd’hui et hier, lorsque le roi des Belges Léopold II décidait d’en faire sa propriété privée, de piller ses ressources et de martyriser ses populations. À part les dizaines de millions de Congolais pauvres, très pauvres, et moyennement pauvres, il n’y a pas grand monde qui ait en réalité intérêt à une lutte efficace contre la corruption qui se traduirait par un renforcement de la capacité de l’État à défendre l’intérêt général du pays. C’est précisément pour cela qu’il faut soutenir activement les acteurs congolais courageux qui ne renoncent pas à la lutte. Mettre fin à la « kleptocratie minière », terme que j’emprunte à Thierry Vircoulon, chercheur à l’Institut français des relations internationales, sera extrêmement difficile. Mais c’est une nécessité absolue.

Source: Wathi

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